Points clés du voyage : circuit aéropostal et missions jésuites.
“ Au Petit Prince
Poste restante
Astéroïde B 612
Dimanche 1er février 2009
Couchés à 2h du matin après avoir décollés la veille à 7h de Lyon-Saint Exupéry, nous avons quelque peine à démarrer la journée à 10h, mais un chaud soleil d’été nous réjouit le cœur. Clara est venue avec Eduardo, notre souriant chauffeur, nous accueillir à l’hôtel Las Luces, idéalement situé dans une rue calme au centre de Buenos Aires, à quelques pas de la place de Mai. En route vers le delta del Tigre. Matinée de visite fraternelle dans la vaste paroisse el Salvador del Delta à Dique Lujan, au centre communautaire Todos juntos découvert grâce à l’association Vol de nuit /Vuelo nocturno. Les photographies prises au cours d’un précédent passage de cette valeureuse association franco-argentine font merveille, admirées avec des cris de joie et reçues avec reconnaissance. Nous visitons les très humbles locaux, admirons les projets de confection de vêtements, de formation informatique, d’accueil médical et la cuisine communautaire. Nos hôtes argentines auraient souhaité nous convier à déjeuner avec elles et leurs enfants. Cela n’a pu se faire : il faut bien trouver une occasion de revenir !
Lieux de mémoire
Noyés dans l’immense Buenos Aires, quelques lieux évoquent le séjour en 1929-1931 de ton ami pilote. Nous serons indulgents pour la statue – ferraille cachée dans un recoin sordide de l’avenue del Libertador mais la gare ferroviaire Retiro, qui a gardé un charme suranné, nous évoque le jeune directeur de l’Aéroposta argentina s’embarquant pour rejoindre à Pacheco son aérodrome banlieusard. Nous avons aperçu, non sans difficulté, le modeste petit deux pièces qu’il occupa, en célibataire, au sixième étage de la superbe galerie Guemes que nous visitons du sous-sol – théâtre et restaurant – au sommet du belvédère. Plus évocateurs, deux lieux parlent de Consuelo. Ton ami a-t-il vraiment fait connaissance de sa future épouse en grignotant avec elle des douceurs dans la vieillotte mais fort chic confeteria Richmond (Florida 468) ? Et est-ce dans la brasserie bavaroise Munich, élégamment fréquentée (mais quel monument !), qu’il pria Consuelo de lire Courrier sud avant de lui confier, sous forme de lettre, les premières pages de Vol de nuit ? Peut-être. Plus haut dans la verdure, la villa Ocampo est un lieu idyllique que ton ami fréquenta. L’automne dernier, une exposition y a célébré le 80ème anniversaire de son arrivée en Argentine. Le catalogue de cette exposition nous fait rêver. Mais nous avons aussi particulièrement apprécié, plus prosaïquement, l’excellent déjeuner sur la terrasse où coulisse une brise légère. Accueil royal.
Cartes touristiques
Les chutes des « grandes eaux » (Iguazú) sont saisissantes qu’on les contemple du côté brésilien ou du côté argentin. Mais ce domaine touristique n’existait pas encore du temps de ton ami qui posait son Laté 25 un peu plus au sud-ouest à Posadas. À 250 kilomètres, la « réduction » jésuite de San Ignacio suscite l’admiration. Il y a quatre ans un bataillon de jésuites tout de noir vêtus au regard sévère m’avait accueilli à l’entrée du minuscule musée. Ils ont disparu mais les ruines des bâtiments sont toujours aussi impressionnantes : les Jésuites ont fait là une œuvre de grande portée.
Au pied des Andes
Deux fois deux heures d’avion et nous voici, Petit Prince, au pied des Andes. Accueillis à l’aéroport de Mendoza, nous entamons notre course vers le sud sur la fameuse route 40 : plus de 5 000 kilomètres du nord de l’Argentine jusqu’au sud de la Patagonie. Mais, rapidement un arrêt gastronomique exceptionnel nous est proposé à Lujan de Cuyo (étape très appréciée, adresse recommandée : Cava de Cano, Carril San Martin 2488 Mayor Drummond). En fin d’après-midi nous atteignons notre hébergement de Finca Arco Iris, à 1 600 mètres d’altitude, dans une accueillante villa nichée au cœur d’une immense pampa. Cette maison est toute parfumée de mystère. La soirée entière, enivrés par l’atmosphère étrange, nous rivalisons d’imagination et prédisons des événements à la Sherlock Holmes ou dignes d’Agatha Christie… au point d’en rêver la nuit.
La Laguna del diamante
Grimpant en 4×4, nous franchissons un col à 3 800 mètres pour atteindre le cirque où, un peu plus bas à 3 250 mètres le volcan du Maipo contemple le lac du diamant au bleu turquoise. Il fait extraordinairement beau. Le spectacle est féerique. Tel ne fut pas le cas pour Henri Guillaumet qui, le 13 juin 1930, englué dans une tourmente de neige, incapable de survoler les sommets de la Cordillère, posa son appareil aux rives de ce lac de conte de fées. Après deux journées d’hivernage sous son avion renversé, puis cinq jours et quatre nuits de descente à pied « vers l’Est », il retrouve le 20 juin ton ami qui le cherchait anxieusement depuis une semaine, survolant en vain les vallées enneigées. « Ce que j’ai fait, je te le jure, jamais aucune bête ne l’aurait fait ». Nous, béatement, protégés du vent par nos deux 4×4 alignées, nous avons dégusté un « pique-nique gourmet » que, pensant à nos deux aviateurs, j’avais conscience de n’avoir pas mérité dans ce cadre grandiose.
Résurrection d’un mort
Tu le sais, Petit Prince, le premier humain que Guillaumet a retrouvé au bas de sa folle descente, c’était un gamin de 14 ans qui gardait les chèvres familiales, Juan Garcia. Soixante-dix ans plus tard, le président Jacques Chirac a décoré de la légion d’honneur ce gamin devenu un vieillard. Sur des informations formelles recueillies en France, je le croyais mort depuis deux ans. Eh non ! Au retour du « domaine de l’arc-en-ciel », près de Pareditas, au kilomètre 3 175 de la route 40, Omar Luna, un homme admirable en train de remettre sur pied un petit musée Guillaumet (et Saint Exupéry) tombé des mains de ce pauvre Juan Garcia, nous affirme qu’avec de la chance nous trouverons notre « mort » à Mendoza. De fait dimanche 8 février (le dimanche est le jour où les chrétiens fêtent la résurrection !) avec tous mes amis nous avons parlé une heure et demie, plaza independencia de Mendoza, avec ce vieillard de 93 ans qui vit de la vente de colifichets dans le mercado artesanal. Sa misère nous a serré le cœur et nous sommes plusieurs à tenter aujourd’hui de l’aider à en sortir.
Ceux qui t’ont précédé
Tu sais, Petit Prince, qu’avant de décrire ta rencontre avec lui en plein désert, ton ami a beaucoup rêvé de toi. On évoque souvent, à la dernière page de Terre des hommes, son voyage en chemin de fer, en troisième classe, de Paris vers l’est européen : « Je m’assis en face d’un couple. Entre l’homme et la femme, l’enfant, tant bien que mal, avait fait son creux et il dormait. Mais il se retourna dans le sommeil, et son visage m’apparut sous la veilleuse. Ah ! quel adorable visage ! […] Et je me dis : voici un visage de musicien, voici Mozart enfant, voici une belle promesse de la vie. Les petits princes de légendes n’étaient point différents de lui ». Un petit prince déjà ! Avant ce voyage en train, il y a dans Terre des hommes un autre chapitre, lui aussi très évocateur, « Oasis ».
Les princesses d’Argentine
Ce chapitre, nous l’avons relu mardi 10 février. C’était à Concordia, une ville de style colonial à laquelle la majorité des ouvrages français sur l’Argentine n’accordent guère ou pas d’importance. Il est vrai qu’elle est peu accessible : à 460 kilomètres au nord de Buenos Aires, soit plus de 12 heures de route aller et retour. Ces kilomètres nous les avons parcourus allègrement, entraînés par les informations illustrées données dans le minibus par Clara. À Concordia, après avoir visité un tout récent et fort œcuménique Musée juif, salué au passage l’hôtel Colon (celui de ton ami) en restauration, donné une interview à la radio locale, nous avons grimpé sur la butte du château San Carlos, au milieu d’un parc de soixante hectares. Assis à l’ombre de ce qui reste des gros murs épais de ce château-fortin, nous avons écouté Clara commencer : « J’avais atterri dans un champ et je ne savais point que j’allais vivre un conte de fées ». Quelques lignes plus loin, vaincue par l’émotion, elle me tend Terre des hommes. J’ai continué la lecture, impressionné moi aussi tant ce chapitre, qui évoque les deux petites filles découvertes dans cette maison, nous ouvre le cœur d’Antoine de Saint Exupéry. Antoine de Saint Exupéry ton ami, avant d’être un pilote, avant d’être un écrivain, avant d’être un homme au cœur ballotté, fut, à Saint-Maurice-de-Rémens aux portes de Lyon, l’enfant d’un grand parc et d’une vieille maison qu’il aimait, un enfant aux cheveux d’or qui confessa un jour n’être pas très sûr d’avoir vécu depuis l’enfance, un enfant qui s’émerveilla plus tard, à Concordia, de découvrir deux petites filles dans un vaste parc à l’ombre d’une grande et mystérieuse maison : deux fées qui, sans qu’il le sache encore consciemment, allaient conduire son rêve vers toi, Petit Prince.
Post-scriptum
Un compte rendu plus complet devrait mentionner les rencontres avec plusieurs amis : Jorge Scampini, dominicain de Buenos Aires ; Raul Montoya, avocat œcuménique de Mendoza ; Francisco Garrido, ingénieur et « guide » ; Nora Fuchs, nièce des « princesses » etc. Il aurait fallu signaler aussi l’accueil sympathique et instructif au musée national de l’aéronautique à Moron : le laté 25 de Saint-Ex, une excellente exposition sur l’histoire de l’Aéropostale en France et en Argentine… Mais je crains le poids de trop nombreuses cartes postales : elles pourraient faire basculer l’astéroïde B 612 ! Ce qui est certain, c’est que ce circuit exceptionnel – qui figure parmi les plus remarquables réussites des quelque 500 voyages CLÉO organisés depuis un demi siècle – n’a été possible qu’en raison de l’amicale cohésion de voyageurs aux vertus diverses mais tous dotés d’une âme de pionniers et surtout grâce à des amis d’Argentine dont deux au moins doivent être cités avec reconnaissance au bas de cette page. Alain d’Étigny semble tenir miraculeusement en ses mains les avions, les minibus et les hôtels d’Argentine et, au lieu d’imposer « son programme » il accepte le dialogue avec un concepteur d’outre-Atlantique. Clara Rivero, historienne, archiviste, documentaliste et souriante guide à laquelle, Petit Prince, ton ami Saint-Ex a livré presque tous ses secrets, en tout cas l’ensemble de ses secrets argentins.
René B.”
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