Le cinéma argentin : de la naissance au Nuevo Cine
Le cinéma argentin jouit, tout comme celui du Brésil et du Mexique, d’une véritable renommée internationale.
En effet, les films argentins sont depuis longtemps largement représentés dans des festivals majeurs tels que ceux de Cannes, Berlin ou Venise. Et cette reconnaissance ne cesse de croître, grâce à une jeune génération de cinéastes et d’acteurs de tout premier plan. Enfin, localement, le cinéma d’auteur occupe une place prédominante dans la culture porteña, comme en témoigne le festival de cinéma indépendant BAFICI à Buenos Aires.
La naissance du cinéma argentin
C’est peu après son avènement à Paris que le cinéma fait son entrée dans la société argentine. Il fait ses premiers pas avec l’arrivée du cinématographe, inventé par les frères Lumières en 1895. En 1897, on voit ainsi les premières caméras françaises faire leur apparition sur le sol argentin. C’est Eugène Py, un cinéaste français résidant en Argentine, qui est le premier à diffuser son court-métrage, La bandera argentina (Le drapeau argentin). Mais c’est à partir de 1933, avec l’avènement du cinéma sonore, que l’industrie du cinéma se développe réellement en Argentine.
Cette industrie prend forme notamment à travers la création des studios Lumiton en 1931 et Argentina Sono Film en 1933. Jusqu’au début des années 1950, le cinéma argentin a le vent en poupe, avec des œuvres diffusées partout en Amérique Latine. El alma del bandoneón de Mario Soffoci en 1935 ou La muchachada de a bordo de Manuel Romero en 1936, en sont de bons exemples. Suite à ce décollage, la fermeture progressive des grands studios et l’arrivée de la télévision provoquent un ralentissement du 7e art en Argentine. Le cinéma populaire est délaissé pour la télévision, et un gouffre se creuse avec le cinéma d’auteur, dès lors réservé à une élite. C’est à cette époque que le style si particulier du cinéma argentin commence à se démarquer sur la scène internationale.
Le Nuevo Cine argentin
Jusqu’à la fin des années 1950, le cinéma argentin souffre de la concurrence américaine, déjà sur le devant de la scène, et de celle du cinéma mexicain, qui vit son âge d’or. Puis, en 1957 l’Institut National de Cinématographie est créé, et commence à développer des moyens de distribution et de diffusion. La décennie des années 1960 marque quant à elle un revirement esthétique du cinéma argentin, qui s’adapte à la tendance internationale tout en affirmant un style propre. Entre autres, on note la montée en puissance du réalisateur Leopoldo Torre Nilsson, auteur de La casa del ángel (La maison de l’ange) et de La mano en la trampa (La main dans le piège).
La voix post-dictatoriale
Comme dans bien des pays ayant souffert de la dictature, l’Argentine est secouée d’une vague d’inspiration protestataire et dénonciatrice, au lendemain de cette décennie de trouble (dictature militaire de 1976 à 1983). C’est dans ce contexte que surgissent de nombreuses œuvres devenues cultes, dont Camila (1984) de María Luisa Bemberg, La historia oficial (1986) de Luis Puenzo ou encore Tiempo de revancha (1981) d’Adolfo Aristarain. Ces nouveaux artistes et leurs messages poignants commencent à capter l’attention de nouveaux publics, notamment internationaux, avec en témoigne l’Oscar du meilleur film étranger pour La historia oficial. Ce film raconte la lutte d’une femme, épouse d’un militaire proche du gouvernement en place sous la dictature, pour découvrir la vérité sur les parents de sa fille, qu’elle a adoptée en plein cœur de la dictature. Il touche du doigt le sujet très sensible des bébés volés en Argentine entre 1976 et 1983.
Le second Nuevo Cine argentin
Enfin, dans les années 1990 apparaît un nouveau courant dans le cinéma argentin, qui tend vers des réalisations indépendantes. Ce mouvement créé des œuvres qui mettent scène des acteurs souvent inconnus, autour d’histoires réalistes et avec des petits budgets. Le regard des réalisateurs argentins sur leur société a changé, il n’est plus obnubilé par les fantômes de la dictature et cherche une nouvelle voie d’expression artistique plus libre. On note parmi ces réalisateurs, les jeunes Bruno Stagnaro et Israel Adrián Caetano, auteurs de Pizza, birra, faso, film à succès remarqué dans les festivals de cinéma de Fribourg et de Rotterdam. Adrián Caetano poursuivra ensuite une brillante carrière avec trois autres long-métrages.
Cette création indépendante a su s’épanouir et obtenir une reconnaissance internationale. C’est le cas de Lucrecia Martel, qui s’illustre en 2000 avec La Ciénaga, film produit avec l’aide de Pedro Almodóvar. La réalisatrice remporte alors des distinctions dans plusieurs festivals internationaux, dont un ours d’or à Berlin. Les critiques ne tarissent pas d’éloges sur les œuvres suivantes de la réalisatrice, dont La Niña santa (La fille sainte) en 2004 et La mujer sin cabeza (La femme sans tête) en 2008, en compétition officielle au festival de Cannes. Dans la même veine, Lisandro Alonso s’illustre avec Libertad (2001), Los muertos (2004), Fantasma (2006) et Liverpool (2008), devenant ainsi l’un des réalisateurs les plus prolifiques d’Amérique Latine.
Carlos Sorín est un autre grand nom du cinéma argentin. Il a réalisé notamment Historias mínimas (2002), prix Goya du meilleur film en langue espagnole, Bombón el perro (2004) qui a reçu 7 nominations au festival Condor de Plata, ouplus récemment Jours de pêche en Patagonie (2012), qui met en scène les superbes paysages de cette région de l’Argentine.
Talent confirmé, le réalisateur Pablo Trapero est déjà un habitué du tapis rouge cannois. Son premier film El Bonaerense, fut présenté à Cannes en 2002, suivi de Leonera en 2008 et d’Elefante Blanco en 2012. Non présent à Cannes mais néanmoins excellent, le film Carancho met en scène ses deux acteurs fétiches Darín et Gusman. Dans un autre style, moins spectaculaire, le réalisateur Daniel Burman réalise d’excellentes œuvres traitant des problématiques de la famille ou de la vie de la communauté juive de Buenos Aires, notamment dans le quartier d’Once. Parmi ses œuvres, dont plusieurs furent présentées dans des festivals majeurs comme la Mostra ou Sundance. Ne pas manquer Derecho de familia ou El nido vacío.
Parmi les succès critiques récents du cinéma argentin présents au festival de Cannes, notons XXY et Wakolda de Lucía Puenzo (Respectivement Grand Prix de la Semaine Internationale de la Critique en 2007 et en compétition en 2013), La mirada invisible de Diego Lerman (présenté en 2010), Los labios de Santiago Loza (En compétition en 2010), Los acacias de Pablo Giogelli (Caméra d’or en 2011), Enfance clandestine de Benjamin Avila (présenté en 2012), Los salvajes d’Alejandro Fadel (prix ACID lors de la Semaine de la critique en 2012) ou Los Dueños d’Agustín Toscano et Ezequiel Radusky (Mention spéciale du jury lors de la Semaine de la critique au festival de Cannes en 2013).
Parmi les succès publics qui ont été diffusés dans les salles françaises ces dernières années, El Chino de Sebastián Borensztein, Medianeras de Gustavo Taretto ou El hombre de al lado (L’homme d’à côté), une excellente satire de la société argentine : notre coup de cœur.
Enfin, notons les succès mondiaux de Neuf reines et d’El Aura de Fabian Belinsky, ou d’El secreto de sus ojos (Dans ses yeux) de Juan José Campanella, qui remporta l’Oscar du meilleur film étranger en 2009. A noter que son film El hijo de la novia, réalisé en 2001, avait également concouru pour l’oscar du meilleur film de langue étrangère. Nous recommandons des œuvres plus anciennes de ce même réalisateur, comme Luna de avallenada ou El mismo amor, la misma lluvia.
Grands acteurs argentins
Cecilia Roth naît à Buenos Aires en 1956. Installée en Espagne depuis ses 20 ans, elle a travaillé à de multiples reprises avec le réalisateur phare de la movida espagnole Pedro Almodóvar, notamment dans ses films Le labyrinthe des passions, Pepi, Luci, Bom et les autres filles du quartier, mais surtout Tout sur ma mère et Parle avec elle.
Ricardo Darín est né en 1957 à Buenos Aires. Il incarne à lui seul le 7e art argentin moderne, et tout particulièrement le cinéma porteño. Brillant dans ses plus grands succès (Les neuf reines, Le fils de la mariée, Dans ses yeux ou Eléphant Blanc), il a séduit le public argentin comme international. Il a notamment souvent collaboré avec les talentueux réalisateurs argentins Joan José Campanella et Pablo Trapero.
Née à la Plata en 1969, Soledad Villamil est une grande actrice du paysage cinématographique argentin. Elle a donné la réplique à Ricardo Darín à plusieurs reprises, notamment dans les grands succès El mismo amor, la misma lluvia et Dans ses yeux. Elle a également joué aux côtés de Viggo Mortensen dans Todos tenemos un plan. Soledad Villamil s’est récemment convertie à la musique puisqu’elle chante depuis 2006 des chansons de tango.
Martina Gusmán est l’épouse du réalisateur Pablo Trapero. Elle a notamment produit beaucoup des films de son mari, dont El Bonaerense, Leonera et Voyage en famille. En tant qu’actrice, sa collaboration artistique avec son mari fut fructueuse, puisqu’elle crève l’écran dans Leonera, Carancho et Elephant blanc.
De manière plus anecdotique, notons que l’acteur américain Viggo Mortensen a grandi en Argentine, d’abord dans la province de Córdoba, puis du Chaco avant de s’installer à Buenos Aires. Révélé dans la mythique trilogie du Seigneur des Anneaux sous le rôle du roi Aragorn, il réapparaît régulièrement dans de grands succès du cinéma nord-américain comme Sur la route de Walter Salles, adaptation sur grand écran du roman de Jack Kerouac. Plus récemment, il a tourné le très confidentiel film Todos tenemos un plan d’Ana Piterberg dans la ville de Tigre, non loin de Buenos Aires.
Enfin, plusieurs artistes nés à Buenos Aires ont rejoint très jeunes la France, où ils ont connu le succès, comme le réalisateur Gaspard Noé ou l’actrice Bérénice Bejo.
Les festivals de cinéma en Argentine
BAFICI : le cinéma indépendant, dont raffole le public argentin, envahit les salles porteñas pour 2 semaines chaque année en mai. Retrouvez toutes les informations sur le site du festival BAFICI.
Festival Mar del Plata : un festival qui célèbre le cinéma argentin mais aussi le cinéma international, et qui se déroule en novembre. Tout savoir sur le festival de cinéma de Mar del Plata.
Le cinéma à Buenos Aires : où voir des films ?
Cine Cosmos
Sur l’avenue Corrientes, connue pour ses nombreux théâtres et cinémas, se trouve le Cine Cosmos, anciennement Cine Cataluña. Construit par l’architecte belge Albert Bourdon en 1929, il reflète le style art-déco en vogue à cette époque. Il fut racheté dans les années 1960 par un argentin d’origine russe qui le renomma Cosmos, et qui consacra ses salles à la diffusion de films soviétiques d’avant-garde. Fermé à partir de 1987, c’est l’Université de Buenos Aires qui en fit l’acquisition pour le rouvrir. On peut y voir des films argentins et latino-américains de tous les styles (documentaires, fictions), mais surtout d’art et essai. Accédez à la programmation sur le site du Cine Cosmos.
Cine Cosmos, Avenida Corrientes 2048 | tél. +54 11 4953-5405
Espacio INCAA
Ce très vieux cinéma propose des films argentins que vous ne verrez peut-être nulle part ailleurs, puisque l’Espacio INCAA se consacre à la diffusion d’œuvres argentines, souvent indépendantes. Depuis 2006, la programmation est d’ailleurs fixée par l’Institut National de Cinéma et de l’Art Audiovisuel (INCAA). Autrefois l’un des cinémas les plus fréquentés du quartier Congreso, il a été agrandi en 1995.
Espacio INCAA KM.0, Rivadavia 1635 | tél. +54 11 4371-3050
Le Malba diffuse des rétrospectives, des cycles thématiques et des oeuvres expérimentales. Le programme est disponible sur le site du MALBA.Buenos Aires abrite également un musée du cinéma. Adresse : Defensa 1220 (San Telmo).
L’excellent Centro Cultural Borges propose également rétrospectives et des films d’auteur. Adresse : Viamonte 500 Buenos Aires.
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